Le LASPAD, un laboratoire africain

LASPAD, a Pan-African Research Center

Le LASPAD, un laboratoire africain

LASPAD, a Pan-African Research Center

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Présentation

Notre programme de recherche a pour objectif de questionner le processus de paix et ses déroutes en Casamance. Cette région du Sénégal est en effet marquée par plus de 40  ans de conflit séparatiste, conflit qui a émergé en 1982, soit deux décennies après l’accession du Sénégal à l’indépendance- et n’est toujours pas résolu. Les origines du séparatisme casamançais sont multifactorielles mais les défaillances nombreuses de l’État, son faible pouvoir infrastructurel, une administration publique despotique, une réforme foncière jugée inéquitable et un sentiment général d’injustice en ont été les principaux catalyseurs. C’est ce sentiment que l’élite nationaliste locale et diasporique réussira à capter et à transformer en revendication d’indépendance sur fond de différence culturelle.

Les événements des années 1982 et surtout 1983 (répression violente qui s’abat sur le mouvement suite à l’assassinat de trois gendarmes et de l’attaque de la ville de Ziguinchor par les indépendantistes) fondent cette fois-ci Atika, l’aile armée du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC). Celle-ci confinée dans les zones forestières, recrute, forme de nouveaux combattants, et mène des attaques contre l’Armée sénégalaise chargée d’anéantir la rébellion. L’État du Sénégal contre qui s’oppose le MFDC croit en effet pouvoir éradiquer rapidement la rébellion tant les asymétries sont grandes entre l’Armée nationale expérimentée et équipée et la rébellion artisanale.

Pourtant, après des années de résistance acharnée du MFDC, il a fallu se rendre à l’évidence que la solution armée était une impasse : la géographie de la région et la géopolitique étaient deux atouts dont le MFDC avait su se servir pour se structurer et se renforcer. À partir de 1990 donc, l’État sénégalais s’engage dans un long et sinueux processus de négociation qui tarde jusqu’à présent à produire les effets escomptés. Les rares lueurs d’espoir de paix étaient souvent basées sur des accords mal négociés invariablement remis en question peu après leur signature.

 

Objectif de recherche 1.

Nous nous sommes donc intéressés au modus operandi des négociations et aux causes des échecs répétés de tous les « faiseurs de paix » (peacemakers), locaux ou internationaux, laïques ou religieux. Faire la paix en Casamance ressemble en effet à un éternel recommencement : Cacheu 1991, 1999-2001, Foundiougne 2005 n’ont pas eu plus de succès, et l’éventail des modes traditionnels et modernes de résolution a été épuisé dans une quête permanente d’une paix durable. Une telle situation questionne non seulement sur les véritables obstacles à la paix mais aussi et surtout sur la nature du conflit et les types de radicalités qui y sont à l’œuvre.

 

Objectif de recherche 2.

Ainsi, que cela soit sous les présidents Abdou Diouf (1980-2000) et Abdoulaye Wade (2000-2012), au gouvernement actuel de Macky Sall, il s’est installé un statu quo, une situation de “ni guerre, ni paix” (Evans, 2003). Le séparatisme casamançais illustre en effet la complexité d’un conflit à propos duquel on ne peut dire ni qu’il est actif, ni qu’il est terminé. Ce conflit dont les longues phases de sommeil peuvent faire croire qu’il est éteint connait encore d’épisodiques éruptions et un état d’exception (check points, présence importante de militaires, etc.) qui font que certaines populations qualifient la situation actuelle d’état de guerre. C’est cette configuration complexe, celle du statu quo, de l’incertitude et de l’ambivalence, que nous avons voulu décrypter dans son expression quotidienne, ses enjeux et ses conséquences. Quelles vies, quels rapports aux autres et aux institutions mène-t-on quand ce n’est ni la guerre, ni la paix ? 

 

Objectif de recherche 3.

Il s’agissait ensuite pour nous d’interroger dans ce contexte de “ni paix, ni guerre”, le nombre croissant de sources de conflits latents, y compris la découverte de ressources minières et énergétiques. Les perspectives d’exploitation des ressources naturelles augmentent les risques de recrudescence de la violence.

 

Objectif de recherche 4.

Enfin, nous avons voulu explorer la parole des citoyens sénégalais, gambiens et bissau-guinéens sur le conflit et la paix en Casamance. Ces derniers apparaissent en effet comme un « centre silencieux, ou réduit au silence » (Spivak, 2009 : 43), car les discours hégémoniques dans le conflit sont ceux de l’État, du mouvement indépendantiste et des médiateurs. Quelles sont les perceptions de ce « centre silencieux » – mais toujours affecté, concerné, impliqué, indiffèrent ou embarrassé par le conflit en Casamance ? Peu d’études ont posé et tenté de répondre à cette question. Les travaux scientifiques qui existent sur le conflit et qui cherchent à donner la parole à différents acteurs se nourrissent pour l’essentiel de techniques qualitatives (entretiens, observations, ethnographie, consultation de sources documentaires, d’archives parfois de données statistiques). Il n’y a en revanche aucune enquête quantitative, a fortiori tri-nationale qui a été réalisée sur le conflit.

Alors que l’accent est mis sur le Sénégal, le projet a couvert la Gambie et la Guinée-Bissau, deux pays directement liés aux crises à la fois politique et humanitaire, en raison de la proximité géographique. En effet, situé au Sénégal, le conflit n’en est pas moins sénégambien, et cet emboitement du local dans le global se manifeste notamment par la mobilité transnationale des combattants, leur capacité à aller chercher des ressources politiques, économiques, militaires – y compris celles liées à la criminalité – en Gambie, en Guinée-Bissau et enfin dans la migration des enjeux dans ces pays. 

Pour répondre à ces quatre objectifs de recherche, nous avons tenu diverses activités de recherche et produit divers livrables que vous trouverez à la rubrique ressources.



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Mame-Penda BA

Nyimasata CAMARA

Pape Chérif Bertrand BASSENE

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Rachid ID YASSINE

En termes d’innovations et de valeur ajoutée, notre recherche a réalisé la première enquête quantitative auprès des citoyens des trois pays impliqués dans le séparatisme casamançais (1500 personnes interrogées) à travers une perspective d’une « science citoyenne ».

Nous avons aussi initié le premier dictionnaire sur le conflit et la paix en Casamance qui sera disponible en ligne sur le website : www.casamance-conflit.com. Outre son édition plurilingue, l’un des points forts de ce dictionnaire est qu’il sera en permanence nourri en articles grâce à son édition numérique actualisée au grès de l’évolution de la situation et événements en cours et à venir. Une première édition papier (dans l’une ou les trois langues que sont l’anglais, le français et le portugais) est à prévoir à l’issue du programme, tout comme des éditions ultérieures pourront être réalisées. Par ailleurs, les notices du dictionnaire seront certes disponibles en anglais, en français et en portugais mais elles seront progressivement traduites dans les langues locales (notamment le wolof et le joola).

Le website du programme est aussi un outil innovant et inédit quant à la recherche sur ce conflit. En effet, il se présente comme une interface pour les chercheurs, les acteurs et le grand public qui s’intéressent au conflit en Casamance, mais aussi comme une ressource recensant non seulement les références bibliographiques sur le conflit, mais aussi les archives privées et publiques. Il y présente également les travaux et résultats de ce programme, avec le dictionnaire, mais aussi les rapports d’enquête et les comptes-rendus de séminaires.

Le site web dédié à contenir toute la recherche sur le conflit a été réalisé et est consultable à l’adresse : casamance-conflict.com. Il comprend le catalogue qui regroupe plus de 3000 références, le blog, les archives, le dictionnaire, la galerie. Le site est disponible en français

 

Rapport : Sortir de l’impasse du ni paix ni guerre en Casamance

Résumé

– Report : Conflict and Peace in Casamance (English version) 

 

Sur le www.cihablog.com, nous avons initié une Casamance Serie avec les deux premiers articles suivants : 

  • Ba, Bassene, “Feminist non-violent resistance in Casamance: AlañDi-So Bassène (1913 – 1940)”, April 2018 
  • Ba, Diedhiou, Camara, “Factors that Influenced Casamance Separatism”, January 2020. 

    D’abord, les très nombreuses données issues de l’enquête trinationale sont loin d’avoir été toutes exploitées. Nous projetons de faire des publications thématiques sous forme d’articles et éventuellement d’aller vers un ouvrage collectif autour de Citizen Science and Peacebuilding in the Senegambia Region. Ce sera l’occasion d’adresser la problématique de la mise en place d’une Commission Dialogue, Justice, Réconciliation et Paix. Par ailleurs, un travail prospectif sur la reconstruction post-conflit sera aussi engagé.

    Ensuite, un numéro spécial intitulé “Why African secede?” est déjà en cours de réflexion, dans lequel nous souhaitons avoir une approche comparative pour étudier les cas camerounais, ghanéen, éthiopien, sénégalais, congolais et nigérian. Nous envisageons de publier ce numéro dans la Revue Internationale de Politique Comparée (RIPC).